Le Conseil constitutionnel censure plusieurs dispositions de la loi de finances pour 2014
Fiscal
Actualité du 06/01/2014
Décision 2013-685 DC du 29 décembre 2013
La prise en compte des revenus des contrats d'assurance-vie pour le calcul du plafonnement de l'ISF, la suppression de l'abattement pour le calcul des plus-values sur terrains à bâtir et la nouvelle définition de l'abus de droit figurent parmi les mesures annulées.
Saisi par les députés et par les sénateurs, le Conseil constitutionnel a annulé plusieurs dispositions de la loi de finances pour 2014. On trouvera ci-après la liste de ces dispositions. Nous mentionnons également les principaux articles visés par le recours jugés conformes à la Constitution. La loi 2013-1278 du 29 décembre 2013, expurgée des dispositions jugées contraires à la Constitution, a été publiée au Journal officiel du 30 décembre.
Plafonnement de l'ISF
Après avoir rappelé qu'il avait déjà censuré l'an dernier les dispositions prenant en compte dans le plafonnement des revenus « latents » que le contribuable n'a pas encore réalisés ou dont il n'a pas disposé, le Conseil a déclaré contraire à la Constitution l'article 13 de la loi de finances intégrant dans le calcul les revenus des bons ou contrats de capitalisation et placements de même nature tels les contrats d'assurance-vie pour méconnaissance de l'autorité de la chose jugée.
Plus-values immobilières
La suppression de tout abattement pour le calcul des plus-values sur cession de terrains à bâtir prévue à l'article 27 de la loi portait atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques dès lors qu'aucune prise en compte de l'érosion monétaire n'était prévue en contrepartie. L'exigence de prise en compte des capacités contributives n'étant pas satisfaite, la disposition a été annulée. En revanche, les autres aménagements apportés au régime d'imposition des plus-values immobilières sont validés.
Taxe sur les hautes rémunérations
Le Conseil constitutionnel a validé l'article 15 de la loi instituant la taxe exceptionnelle sur les hautes rémunérations attribuées en 2013 et 2014. Il juge en particulier que, la taxe frappant la capacité contributive des personnes qui attribuent les rémunérations et non de celles à qui elles sont attribuées, le législateur n'a pas méconnu le principe d'égalité en excluant de l'assiette de la taxe les rémunérations des entrepreneurs individuels et des gérants associés de sociétés de personnes non soumises à l'IS. Est également validée la prise en compte de certains éléments attribués mais non versés (stock-options notamment), le Conseil jugeant qu'aucune erreur manifeste d'appréciation n'a été commise en retenant la somme des différents « éléments de rémunération » comme critère de la capacité contributive.
Intérêts d'emprunt versés entre entreprises liées
L'article 22 de la loi fixe une nouvelle condition à la déduction des intérêts versés par les sociétés soumises à l'IS à une entreprise liée en exigeant que cette dernière soit assujettie à une imposition minimum. Cette disposition qui vise, à des fins de rendement de l'impôt sur les sociétés, à lutter contre des schémas d'endettement artificiel, est jugée fondée sur des critères objectifs et rationnels, répondant à un objectif d'intérêt général. Le Conseil constitutionnel a donc déclaré l'article 22 conforme à la Constitution.
Contrôle des prix de transfert
L'article 106 de la loi modifiant l'article 57 du CGI pour prévoir des mesures spécifiques de contrôle des opérations de transfert de risque ou de fonction à une entreprise liée a été annulé. Le Conseil constitutionnel juge que le législateur, qui n'a pas défini les notions de transfert de fonctions et de risques ni déterminé la période correspondant aux bénéfices « qui auraient dû être réalisés » et sont incorporés dans les résultats, a méconnu l'étendue de sa compétence que l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi.
La fixation à l'article 97 de la loi de la sanction maximum pour manquement à l'obligation documentaire des prix de transfert à 0,5% du chiffre d'affaires est censurée pour défaut de lien entre la peine et les infractions réprimées et son caractère manifestement disproportionné.
En revanche, l'obligation de fournir à l'administration fiscale les décisions prises par les administrations fiscales étrangères à l'égard des entreprises associées (« rulings » ) est validée, la décision du Conseil précisant que les dispositions de l'article 98 de la loi n'ont ni pour objet ni pour effet d'imposer aux entreprises la présentation de documents émanant d'administrations étrangères qu'elles n'auraient pas en leur possession.
Mesures de contrôle
La nouvelle définition de l'abus de droit fiscal par référence au « motif principal » d'éluder ou atténuer l'impôt résultant de l'article 100 de la loi a également été invalidée. Le Conseil constitutionnel a jugé que cette nouvelle définition conférait une marge d'appréciation trop importante à l'administration fiscale compte tenu des sanctions encourues.
L'obligation de déclaration à l'administration des schémas d'optimisation fiscale instituée par l'article 96 de la loi est jugée contraire à la Constitution compte tenu du caractère général et imprécis de la notion de « schéma d'optimisation fiscale ». Eu égard aux restrictions apportées à la liberté d'entreprendre, notamment aux conditions d'exercice de l'activité de conseil juridique et fiscal, et à la gravité des sanctions encourue en cas de manquement à l'obligation, le législateur aurait dû adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques afin de prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire et ne pas reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles qui relevaient de sa compétence.
En revanche est jugé conforme à la Constitution l'article 99 imposant aux grandes entreprises qui les tiennent la présentation de leur comptabilité analytique et/ou de leurs comptes consolidés lors d'un contrôle fiscal. A l'occasion de l'examen de la sanction instituée au nouvel article 1729 E du CGI par renvoi à l'article 1729 D du même code, le Conseil s'est cependant saisi de la constitutionnalité de la peine visée à cet article et a censuré l'amende pour manquement à l'obligation documentaire fixée en proportion du chiffre d'affaires.
Est également validé l'article 101 de la loi abrogeant la mesure de suspension du délai d'établissement de l'imposition en cas d'ouverture d'une procédure amiable entre Etats . Les Sages ont jugé que cette abrogation de l'article L 189 A du LPF ne prive pas du droit à un recours juridictionnel effectif.
Cotisation foncière des entreprises
Le Conseil constitutionnel a partiellement annulé l'article 76 de la loi en tant qu'il autorisait les communes et les groupements à modifier le barème de la cotisation minimum des contribuables qui exercent une activité dont les bénéfices relèvent de la catégorie des bénéfices non commerciaux . Le dispositif conduisait à traiter de façon différente des contribuables se trouvant dans des situations identiques au regard de l'objet de la cotisation minimum qui est de taxer la valeur locative des biens immobiliers utilisés par le contribuable pour les besoins de l'entreprise.
Transmissions comportant des immeubles
L'article 12,1 de la loi relevait les taux d'exonération et prorogeait le régime fiscal dérogatoire applicable aux successions comportant des immeubles situés dans les départements de la Corse . Le Conseil constitutionnel s'est saisi d'office de cet article et a jugé que la mesure conduisait, sans motif légitime, à ce que la transmission de ces immeubles soit dispensée d'une partie des droits de succession. Estimant que ces dispositions méconnaissaient le principe d'égalité devant la loi et les charges publiques, il a censuré l'article 12,1.
Les Sages ont par ailleurs jugé qu'avaient été adoptées selon une procédure contraire à la Constitution les dispositions de l'article 11 de la loi qui prévoyaient :
- l'imputation des frais de reconstitution des titres de propriété des immeubles ou droits immobiliers en cas de donation entre vifs,
- une exonération partielle de la première transmission d'un immeuble dont le titre de propriété a été constaté pour la première fois entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2017.
Taxe sur les métaux précieux
Est annulée pour adoption selon une procédure contraire à la Constitution la disposition de l'article 19 de la loi qui modifiait la rédaction de l'article 17 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 relatif à l'assujettissement à la CRDS des ventes de métaux précieux, bijoux, objets d'art, de collection et d'antiquité.
Source : Editions Francis Lefebvre